Publié le 3 février, 2020 | par @avscci
0La Beauté des choses de Bo Widerberg
On le sait : Ingmar Bergman est un peu l’arbre qui cache la forêt du cinéma suédois. Qui peut se targuer, outre le signataire du Septième Sceau de plusieurs talents majeurs. Parmi lesquels Bo Widerberg… Dont le cinéma est tout au long de sa carrière resté marqué par une exigence d’engagement social, et souvent politique. Qui n’a jamais exclu une évidente passion romantique. Elvira Madigan, Ådalen ’31, Le Quartier du corbeau, Joe Hill, Un flic sur le toit… Autant de films majeurs qui ont longtemps régalé les cinéphiles. Et glané bien des prix. Inédit en France jusqu’à aujourd’hui, La Beauté des choses est son dernier film (le cinéaste s’éteindra deux ans plus tard, en 1997). Ce n’est pas pour autant un film mineur, loin de là. Au prime abord, on sent que notre homme parle à la première personne et que l’adolescent qui arpente les rues de Malmö en 1943, c’est évidemment lui-même. Faut-il en conclure que l’histoire d’amour qui se noue entre l’adolescent et sa professeur est autobiographique ? Disons que les fantasmes que cette passion déchaine le sont de toute évidence. Le film débute en terres connues, celles des premiers émois, entre comédie et émotion. Nous ne sommes pas loin des premiers films de Pascal Thomas, nostalgie comprise, avec quelques œillades, pourquoi pas, à une certaine comédie italienne, celle de Malicia. La libido adolescente y est décrite comme une force irrépressible, incontrôlable, brouillonne et un peu vulgaire. Mais très vite le film prend des chemins de traverse. Parce que l’adolescent devient ami avec le mari de sa maîtresse, parfaitement conscient de son infortune conjugale. Parce que les besoins permanents de la jeune femme ont fini curieusement par le lasser. Parce que la guerre se fait de plus en plus présente et teinte d’une couleur sombre les pauvres marivaudages des personnages, plus pathétiques que triomphants. La Beauté des choses est évidemment une ode à la sensualité, à l’éveil des esprits et des corps, mais c’est un film qui laisse néanmoins songeur, comme un goût d’amertume qui prend plus d’ampleur encore quand on sait qu’il s’agit d’un chant du cygne.
Yves Alion
Lust Och Fägring Stor. Film suédois de Bo Widerberg (1995), avec Johan Widerberg, Marika Lagercrantz, Tomas Von Brömssen. 2h05.