Selfie de Tristan Aurouet, Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Cyril Gelblat et Vianney Lebasque

Au cinéma à sketches tellement en vogue dans les années 60 et 70, notamment en France et en Italie, a succédé au fil des deux dernières décennies cette engeance qualifiée de film choral. L’occasion pour les scénaristes de passer du coq à l’âne sans avoir toujours à se préoccuper d’échafauder une structure dramatique digne de ce nom. Initié par Julien Sibony, Selfie constitue une sorte d’hybride entre ces deux techniques narratives qui voit certains personnages réapparaître d’une histoire à l’autre. Cinq réalisateurs ont donc uni leurs talents pour illustrer l’influence des nouveaux moyens de communication sur notre quotidien, qu’il s’agisse du téléphone portable considéré comme un appendice organique ou du pouvoir de nuisance des réseaux sociaux sous toutes ses formes. Comme il est d’usage dans ce genre d’entreprise, le résultat s’avère assez inégal, l’humour virant même parfois au tragique le plus glauque. Le film ménage toutefois quelques perles. À l’instar de Blanche Gardin en mère indigne autoproclamée influenceuse qui n’hésite pas à mettre en scène la vie de son fils cancéreux sur un vlog pour attirer les internautes et assurer son gagne-pain, d’Elsa Zylberstein en enseignante prise au piège d’un youtubeur campé par Max Boublil, de Manu Payet en victime de la pub ciblée ou des invités d’un mariage célébré sur une île où… le réseau ne passe pas. Cette comédie plus sarcastique que vraiment tendre vise souvent juste et a le mérite de brasser des thèmes universels sans complaisance en mettant en scène une communauté asservie par des pratiques qui en viennent à la dépasser.

Jean-Philippe Guerand

Film français de Tristan Aurouet, Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Cyril Gelblat et Vianney Lebasque (2019), avec Blanche Gardin, Elsa Zylberstein, Finnegan Oldfield, Manu Payet 1h48.