Publié le 27 novembre, 2019 | par @avscci
0Little Joe de Jessica Hausner
Une plante manipulée en laboratoire pour rendre heureux les êtres humains, une plante qui peu à peu prendrait le dessus sur eux, les enchaînerait à elle. Non pas comme une drogue addictive, mais comme un organisme développant volontairement cette mise pour tutelle pour favoriser sa propre survie. Pour évaluer la vraisemblance de son scénario, Jessica Hausner a interrogé James Fallon, un neuroscientifique californien. Il lui a répondu : « Les plantes et les virus créent des substances qui affectent notre comportement depuis cent millions d’années. Les plantes fabriquent la nicotine, les opiacés, et toutes sortes de substances chimiques qui agissent sur notre comportement. C’est comme si elles se jouaient de nous. Nous les utilisons, mais elles nous utilisent aussi. » Ainsi les manipulations génétiques produiraient des monstres doués de volonté. Emily Beecham (Prix d’interprétation à Cannes pour ce rôle cette année), interprète une scientifique, active dans un laboratoire pas si imaginaire, qui entre en guerre avec ce menaçant végétal. L’intérêt du récit tient à l’incertitude du spectateur. Science-fiction ou paranoïa du personnage principal ? Critique du monde de la technique ou critique de la perte des repères sentimentaux et familiaux des individus d’aujourd’hui ? À partir d’intuitions très intéressantes, la cinéaste du bel Amour fou (2014) oscille entre une poésie angoissante bien construite et des plages d’ennui ou de relâchement narratif qui compromettent une belle idée. Reste une inquiétude générale troublante, des personnages égarés par leurs doutes, leur solitude, leur addiction au travail. Leur addiction à un monde trop sophistiqué auquel ils rêvent secrètement d’échapper.
René Marx
Film austro-anglo-allemand de Jessica Hausner (2019), avec Emily Beecham, Ben Whishaw, Kerry Fox, Kit Connor. 1h45.