Publié le 3 juin, 2019 | par @avscci
0Etre vivant et le savoir d’Alain Cavalier
Au bout de trente ans d’amitié, un cinéaste, Alain Cavalier et une écrivaine, Emmanuèle Bernheim, projettent de faire un film ensemble. Ce sera l’adaptation du roman que celle-ci a publié en 2013, Tout s’est bien passé. Elle y raconte comment son père malade lui a demandé de l’aider à quitter la vie. Le cinéaste jouera le père, l’écrivaine interprétera son propre rôle, une mise en place qui évoque Pater, le film de 2011 où Cavalier était le Président de la République, Vincent Lindon le Premier Ministre. Petite caméra, décor minimum, émotion et suspense maximum. Mais l’écrivaine appelle son ami : une tumeur cancéreuse l’oblige à reporter le tournage. C’est ainsi que le cinéaste va tourner le film du film qui ne se fera jamais. Rattrapé par la mort de son amie, confronté à la sienne qui viendra aussi, le « filmeur » parle bas, comme à l’oreille du spectateur, fait des objets les acteurs de son récit. Pour faire entendre le coup de fil qui annonce la maladie, Cavalier laisse sa caméra fixe filmer un rouleau de scotch sur son bureau. Il laisse entrer dans son récit d’autres amis, pour enrichir sa méditation. Et le compagnon célèbre de l’écrivaine, en profil perdu. Montre un étrange tableau sur chevalet représentant une morte de 25 ans. Raconte son voyage à Genève vers une autre amie décidée à prévenir le destin. Ose dans ce voyage tragique remarquer à haute voix que l’aller en train vers la Suisse lui coûte 200 euros. Rit et pleure. Le montage est le montage du temps qui passe. L’amie vivante, pleine de projets, l’amie malade, l’optimisme, le plaisir d’être encore sur la Terre, l’irrémédiable, la suite du deuil. Cinquante-huit ans après Le Combat dans l’île, le metteur en scène est toujours au travail.
René Marx
Film français d’Alain Cavalier (2019), avec Alain Cavalier et Emmanuèle Bernheim. 1h22.