Publié le 26 avril, 2019 | par @avscci
0Menocchio d’Alberto Fasulo
Auteur de trois documentaires très remarqués, Alberto Fasulo réalise avec Menocchio sa première fiction. Tourné dans le Frioul, sa région natale (comme celle de Pasolini), c’est le portrait d’un héros de la liberté de conscience, un « simple » meunier brûlé par l’Inquisition à la toute fin du XVIè siècle. Il avait été célébré en 1976 par l’historien Carlo Ginzburg, dans un livre où était posée la question de la culture savante face à la culture populaire. Autodidacte, sachant lire et écrire, Menocchio s’était bâti sa propre cosmogonie, doutant de l’immortalité de l’âme, de la virginité de Marie, de la divinité de JESUS. Ses lectures et ses réflexions l’amenèrent à des hypothèses audacieuses, évidemment insupportables pour l’Église. Le film suit le chemin de cet homme et de ses souffrances, dans un travail minutieux sur la lumière et l’obscurité, le gros plan, le visage humain, l’attention particulière aux rides et aux traits de son comédien principal, habité, hanté, par le personnage qu’il incarne. Le réalisateur, avec gravité, austérité même, s’acharne dans sa restitution comme son héros s’acharnait dans la défense de ses propres convictions, au mépris de la prison, de la torture et de la mort. Il relate les événements complexes de sa vie, la relative indulgence qu’on lui accorda un moment, puis l’impitoyable sévérité de la fin. « Simple », Menocchio l’était car il s’était construit lui-même un système de pensée, à l’apparence naïve (comme on parle de peinture naïve), mais Fasulo lui rend un hommage particulier en le transformant en figure universelle. Et contemporaine.
René Marx
Film italien d’Alberto Fasulo (2018), avec Marcello Martini, Maurizio Fanin, Carlo Baldracci. 1h43.