Publié le 12 février, 2019 | par @avscci
0Nuestro tiempo de Carlos Reygadas
En marge du cinéma mexicain devenu bankable que représentent les nouveaux rois d’Hollywood que sont Alejandro González Iñárritu, Alfonso
Cuarón et Guillermo Del Toro, quelques auteurs marginaux ont réussi à préserver leur indépendance artistique, qu’il s’agisse de Michel Franco, Amat Escalante ou Carlos Reygadas. Six ans après Post Tenebras Lux, ce dernier revient avec un film de près de trois heures qui paraît singulièrement apaisé par rapport à ses opus précédents. La responsable d’un élevage de taureaux de combat trompe son poète de mari avec un dresseur dont elle est éperdument amoureuse. Reygadas, qui s’est réservé le rôle de l’époux trompé, avec la charge symbolique qu’implique cet emploi, ne s’attache à ce triangle sentimental que pour mieux en dynamiter les conventions. Au passage, il tord aussi le cou à une tradition solidement implantée dans le cinéma mexicain de l’âge d’or : le mélodrame. Le personnage qu’il incarne est paradoxalement un pur esprit sur lequel les événements ne semblent avoir aucune prise véritable. De cette chronique d’aujourd’hui émane toutefois une amertume teintée de cynisme. Comme si l’artiste se penchait au chevet d’une bourgeoisie terrienne en voie d’extinction dont la fonction sociale consiste à élever un bétail promis au sacrifice. Ironie du sort, dans ce film solennel et funèbre ponctué d’un humour parfois cruel, c’est au pur esprit que revient la responsabilité de sélectionner les animaux dignes de combattre dans l’arène. Tout un programme !
Jean-Philippe Guerand
Film mexicain de Carlos Reygadas (2018), avec Carlos Reygadas, Natalia López, Phil Burgers. 2h53.
Critique en partenariat avec l’ESRA.