Publié le 24 octobre, 2018 | par @avscci
0People that are not me de Hadas Ben Aroya
Joy pleure, marche, rit, regarde la télévision, parle avec un coup d’un soir, se filme entièrement nue, danse, papillonne de l’un à l’autre… en un mot vit. Cette jeune femme bourrée d’énergie et de contradictions, souvent en mouvement, est au cœur de People that are not me. Son interprète Hadas BEN AROYA en est d’ailleurs la principale instigatrice, elle qui a écrit, réalisé et produit ce premier film israélien indépendant en partie autobiographique, et au charme certain.
On s’attache donc aux pas de cette héroïne étonnante dès le premier plan, lorsqu’elle tente d’enregistrer face caméra un message pour son ex petit ami qui ne veut plus lui parler. On la suit dans la rue, souvent de dos, lancée dans la ville de Tel Aviv ou dans ses clubs. Sa rencontre impromptue avec Nir structure ce qui aurait pu n’être qu’un énième portrait de jeune femme. La relation, ténue, qui se tisse entre eux, n’a rien d’une classique histoire d’amour, mais tient plutôt à une forme d’amitié amoureuse ambivalente qui parle plus efficacement de la complexité des sentiments que bien des récits de passions enflammées. Tous deux remarquent la fluidité de leurs échanges, l’alchimie de leurs personnalités, le plaisir qu’ils ont à être ensemble. L’amour, pourtant, reste hors champ, à la frontière floue de ces sentiments qui justement ne disent pas leur nom. Nir assume son narcissisme et refuse prétentieusement qu’on s’attache à lui. Quant à Joy, elle n’est pas prête à renoncer à son ex, pas plus qu’aux aventures d’un soir.
C’est cette écriture subtile qui nous saisit, cette capacité à éviter les écueils du cliché pour brosser un portrait sensible, ultra contemporain, bourré d’humour et d’autodérision. Le film interroge d’ailleurs avec espièglerie les formes de communication virtuelles qui s’entremêlent aux rapports humains bien concrets, la quête de l’intimité mise en regard de la relative facilité des contacts physiques les plus intimes. Cela passe par des dialogues incisifs, parfois surréalistes, où Hannah Arendt et la sodomie cohabitent presque dans la même phrase, mais aussi par des séquences plus flottantes, à l’image du personnage principal. Ces moments suspendus installent une atmosphère entre attente, ennui et vacuité, qui contribue pour beaucoup à la fascination qu’exercent le film et son indomptable héroïne.
Marie-Pauline Mollaret
Film israélien de Hadas Ben Aroya (2016), avec Hadas BEN AROYA, Yonatan BAR-OR, Netzer CHARITT. 1h20.
Critique en partenariat avec l’ESRA.