Critique JSA de Park Chan Wook

Publié le 2 juillet, 2018 | par @avscci

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JSA de Park Chan-Wook

Près de vingt ans après sa sortie en Corée, Joint Security Area, premier succès public de Park Chan-wook, sort enfin sur les écrans français. Ce film de commande, adapté d’un roman de Park Sang-yeon, se déroule dans la zone commune de sécurité qui sépare les deux Corée. Suite à une fusillade dans un bunker, deux soldats du Nord sont retrouvés morts. Les deux camps s’accusant mutuellement d’agression, une enquête « neutre » est diligentée, dirigée par une jeune inspectrice suisse. Mais dans le contexte explosif de la zone démilitarisée, la découverte de la vérité importe beaucoup moins que la préservation du statu quo entre les deux frères ennemis.

Si la nature-même du récit est classique (plusieurs versions des mêmes faits s’affrontent, chacune cachant ses propres secrets, avec charge pour l’enquêtrice de démêler le vrai du faux), le lieu dans lequel il prend place lui donne toute son ampleur, offrant au spectateur le sentiment d’être au cœur-même de l’Histoire. On découvre ainsi, mi-amusé, mi-effrayé, les réalités absurdes de cette zone où Nord et Sud se jaugent, se croisent, voire se frôlent, hantés par la propagande répandue par chaque camp, et sans avoir le droit de se parler pour briser la glace.

Bien que l’issue fatale soit déjà connue, le flash-back central est ainsi presque joyeux, décrivant des jeunes gens bouillonnant de vie, curieux de ceux d’en face, et capables encore de faire abstraction du passé pour inventer un autre avenir. C’est cette construction presque nostalgique qui surprend, surtout chez le cinéaste coréen plus habitué à jouer avec nos nerfs qu’à vanter son espoir en l’être humain. Loin du thriller haletant et cruel que l’on attendait, JSA est un film mesuré et puissant qui utilise surtout l’enquête centrale comme un prétexte pour parler de la Corée et de ses traumatismes. La mise en scène, elle, est en revanche tout à fait symptomatique du style de Park Chan-Wook : sophistiquée, inventive et audacieuse, mêlant les plans à 360 degrés et le sang qui gicle, filmant avec romantisme ses personnages perdus au milieu d’une nature surréelle, tout comme le beau visage mélancolique de Lee Byung-Hun rongé par la culpabilité.

Marie-Pauline Mollaret

Film coréen de Park Chan-Wook (2000), avec Song Kang-ho, Lee Byung-hun, Lee Yeong-ae. 1h50

Critique en partenariat avec l’ESRA.




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