Publié le 12 mars, 2018 | par @avscci
0La Belle et la Belle de Sophie Fillières
Depuis qu’il parle, bientôt cent ans, le cinéma français ne cesse d’y revenir : le temps qui passe et parfois se mélange les aiguilles, les amours et les regrets, la conversation et l’examen des sentiments. Sophie Fillières creuse ce sillon depuis son premier court métrage à la FEMIS, Des filles et des chiens, en 1991, où sa sœur Hélène s’interrogeait déjà sur la vie avec Sandrine Kiberlain. Et, aujourd’hui, Kiberlain est face à Agathe Bonitzer, actrice, et fille de… Sophie Fillières. Enfin, « face à », l’expression n’est pas la bonne. Car Margaux, jouée par Kiberlain, rencontre Margaux, jouée par Bonitzer. Et Margaux, c’est deux fois la même, une à vingt ans, l’autre à quarante-cinq, mais « en même temps ». Cette jolie ruse scénaristique, souvent utilisée au cinéma pour le clin d’œil d’un plan ou deux, la cinéaste la tient de bout en bout, avec élégance, fantaisie. Le fantastique rendu quotidien, les jeux de miroirs temporels rappellent Woody Allen ou même Capra et René Clair, le tourniquet des sentiments a parfois des accents à la Truffaut. Les comédiennes, qui se ressemblent un peu, mais dont la cinéaste ne cherche pas à maquiller les différences, jouent particulièrement bien… le temps, tout simplement. Comme si elles avaient d’abord décidé d’interpréter un âge de la vie plutôt qu’un caractère ou un tempérament. C’est ce qui rend le film troublant, c’est sa réussite, concertée évidemment par leur réalisatrice. Parfois les choses sont un peu prévisibles, le rythme se ralentit, mais l’émotion est là, et le charme de la mélancolie souriante.
René Marx
Film français de Sophie Fillières (2018), avec Sandrine Kiberlain, Agathe Bonitzer, Melvil Poupaud. 1h36
Critique en partenariat avec l’ESRA.