Publié le 8 février, 2018 | par @avscci
0Le 15 :17 pour Paris de Clint Eastwood
Sur le papier, cette reconstitution de l’attentat survenu le 21 aout 2015 à bord du Thalys reliant Amsterdam à Paris, attentat qui ne causa comme l’on sait aucune perte de vie humaine grâce au sang-froid de trois soldats américains présents dans la train (et aussi à beaucoup de chance, l’arme automatique du terroriste s’étant enrayée), était du pain bénit pour Paul Greengrass, auteur des remarquables Vol 93 (relatant le crash de cet avion de la United Airlines le 11 septembre 2011) et Capitaine Philips (à la gloire de ce marin qui est parvenu à se sortir d’affaires après que son navire a été intercepté par des pirates somaliens). Greengrass avait alors imprimé à ses fictions une forme néo-documentariste assez bluffante, renouvelant le genre dans de belles proportions. Ce n’est pas Paul Greengrass qui est monté dans le Thalys, mais Clint Eastwood. Sortant de deux célébrations remarquées de héros américains d’aujourd’hui : American Sniper et Sully, le cinéaste a manifestement eu envie de poursuivre dans la même voie. Et il a été plus loin encore dans l’hagiographie, puisque ce sont les protagonistes de ce remarquable fait d’armes qui interprètent leurs propres rôles. Nous serions mal venus de leur chercher des noises ou jeter quelque ombre que ce soit sur leur engagement pour la liberté. Mais force est de reconnaître que le Bien est ici dépeint avec des couleurs vives. Et que le Mal, qu’incarne le terroriste djihadiste du train, n’a aucune existence autre que celle d’une ombre menaçante, à laquelle il n’est pas question de donner la moindre épaisseur (de peur de justifier son geste ?). On a connu Eastwood moins monolithique. Mais il est de grands films ouvertement cocardiers qui nous enflamment par leur lyrisme. Le problème est que ce n’est pas le cas de ce 15 :17 pour Paris. Eastwood a tenu à nous faire aimer ses trois héros en nous racontant toute leur vie, leur engagement pour leur pays (et pour l’espèce humaine) alors qu’ils étaient un rien rebelles au temps de l’école… Ce qui n’est que moyennement passionnant, d’autant que l’ambition pédagogique est pesante. La dernière partie du film nous montre les trois hommes à travers leurs pérégrinations européennes (Venise, Berlin, Amsterdam), qui les ont menés à prendre le fameux Thalys. Mais la tension n’y est pas et les images touristiques ne sont pas dignes du réalisateur de Mystic River. Ce qui fait que lorsque nous entrons, enfin, dans le train, nous avons décroché depuis belle lurette. La scène de l’attaque terroriste est au demeurant très brève… Et pour être certains que nous n’allons rien perdre de la sanctification de nos trois hommes, le film se termine sur le perron de l’Elysée, où François Hollande leur remet la Légion d’honneur. Peut-on en conclure que ce 15h 17 pour Paris est le plus mauvais film de Clint Estwood (au demeurant l’un des plus grands cinéastes de son temps) depuis… Space Cowboys (2000), voire Firefox (1982) ? Oui.
Yves Alion
The 15 :17 to Paris. Film américain de Clint Eastwood (2017), avec Anthony Slader, Alek Skarlatos, Spencer Stone. 1h 34.
Critique en partenariat avec l’ESRA.