Publié le 10 janvier, 2018 | par @avscci
0Critique – Belinda de Marie Dumora
BELINDA
Belinda à 9 ans vit dans un foyer en Alsace. On la sépare de sa sœur. Belinda à 15 ans rêve de son avenir. Belinda à 23 ans est amoureuse de Thierry. Ils font des « bêtises ». Ils vont en prison. Ils s’y marient. Ils en sortent. Belinda, toujours, cherche son bonheur et vit sa vie de réprouvée, de pauvre, de petite-fille de déportés yeniches du Struthof, de fille et femme de taulards, de taularde elle-même. Ce qui est merveilleux dans le film de Marie Dumora, c’est que jamais son personnage, réel, puisqu’elle la filme depuis plus de quinze ans, n’est ramenée à une étiquette, une essentalisation. Cette histoire, qui ressemble à une chanson de Piaf – et qui en a la beauté – n’est jamais un mélodrame. Belinda, comme ses parents, sa sœur, son mari sont des individus absolus, héroïques. Comme Antigone ou Ulysse, ils commettent des fautes, mais comme eux, ils surpassent la circonstance, le hasard de la naissance et éblouissent le spectateur. Aucun commentaire sur les images, aucun sociologisme, un dévoilement lent et habile des vérités, des passés de chaque personnage. Si Marie Dumora est évidemment une cinéaste réaliste (elle a déjà plusieurs films sur cette famille dans sa filmographie), l’audace de son parti pris formel (et le génie propre de ceux qu’elle filme) lui fait dépasser absolument les limites du documentaire ou de l’enquête. Dans ses entretiens, elle nomme Paulette Goddard, John Ford, Barbara Loden. Aucune de ces évocations n’est déplacée quand on a réalisé un tel film.
René Marx
Film français de Marie Dumora (2017), avec Belinda Baudein, Thierry Baudein, Sabrina Bensmail-Muller, Frantz Muller. 1h47.