Publié le 18 janvier, 2017 | par @avscci
0Actu dvd – 7 comédies italiennes
Nous avons un peu tendance à considérer que les plus belles heures de la Comédie italienne ont sonné dans les années 60 et 70, quand les films de Dino Risi, Mario Monicelli ou Ettore Scola brillaient de mille feux. Mais si Parfum de femme, Mes chers amis ou Nous nous sommes tant aimés restent des chefs-d’œuvre indépassables, il n’est pas interdit de prendre un réel plaisir à voir (ou revoir) des comédies transalpines des années 50. Les sept films édités récemment par SNC/M6 forment en tout cas un tout cohérent, qui rend compte du petit peuple des villes, et plus particulièrement d’une jeunesse partagée entre des difficultés économiques (la guerre n’a pas fini de faire sentir ses effets) et le désir de mordre la vie à belles dents (et éventuellement de trouver un amoureux ou une amoureuse). Ces sept films ne sont évidemment pas de la même eau et leur réussite n’est pas uniforme, mais ils nous entraînent dans un tourbillon enchanté qui est un peu celui d’une Italie idéalisée (son charme et son pittoresque n’ont pas d’égal), quitte à collectionner les clichés. Il faut dire que ces films sont le plus souvent très joliment mis en scène et qu’ils donnent à voir quelques jeunes comédiens dont l’aura a traversé les époques (Marcello Mastroianni, Alberto Sordi, Renato Salvatori, Sophia Loren, Sylva Koscina).
Quelques situations vaudevillesques, quelques marivaudages gracieux et l’affaire est bouclée. Se dégage en effet une légèreté de l’ensemble qui n’est pas loin d’évoquer les gracieux exercices de style signés par Michel Deville ou Philippe de Broca de ce côté-ci de la frontière (quelques années plus tard). La comédienne la plus sexy ? Sophia Loren, sans hésiter, une véritable bombe anatomique dans La Chance d’être femme, d’Alessandro Blasetti, vieux routier du cinéma italien, visiblement aussi à l’aise dans la comédie que dans le mélodrame ou le film historique. Le duo que la belle forme avec Marcello Mastroianni fait des étincelles, il aura d’ailleurs une belle postérité puisque les deux comédiens se retrouveront à l’affiche d’une bonne douzaine de films.
Des découvertes ? Les deux films de Luigi Comencini, restés inédits jusqu’ici de ce côté des Alpes. Mais si Femmes dangereuses et Les Surprises de l’amour n’ont pas le piquant de Pain, amour et fantaisie (qui les précède dans la filmo du cinéaste), ce sont des films subtils, délicieux, remarquablement écrits et délicatement féministes. Mais il est vrai que Comencini a une place à part parmi les grands de la Comédie italienne, qui n’a pas toujours cherché à faire rire, ni à charger ses contemporains, accordant une place privilégiée à l’enfance (son Incompris reste dans toutes les mémoires).
Le film le plus tonique ? Sans doute Pauvres mais beaux, de Dino Risi. Certes Risi n’est pas encore le génie goguenard (et parfois moraliste) qui signera bientôt Le Fanfaron ou Une vie difficile, mais son cinéma fait mouche. Le vaudeville qui nous est ici proposé est virevoltant, mais nous n’oublions pas pour autant que le cinéaste fut psychiatre avant de se tourner vers le 7è Art et que son regard sur les autres est d’une acuité peu commune. Sa vision du monde sera par la suite parfois nostalgique ou amère, elle est pour l’heure simplement teintée d’une ironie bienveillante qui nous enchante. Le film le plus noir ? Évidemment Chronique des pauvres amants, de Carlo Lizzani. Il suffit d’un rien pour que les situations de comédie (une vieille voisine acariâtre, un dragueur impénitent, une couple mal assorti) virent au drame. Et cela avec d’autant plus de facilité que la période retenue est celle de l’avant-guerre, au moment où les Fascistes s’emparent des âmes et du pouvoir. On a trop souvent entendu que les émules de Mussolini n’avaient pas la cruauté des adorateurs d’Hitler pour ne pas être heureux que le film remette les montres à l’heure, insistant sur la chape de plomb qui s’abat sur un quartier populaire et brise son insouciance.
Le plus grinçant ? Un héros de notre temps. Comme si Monicelli n’avait pas eu besoin de faire ses gammes avant de faire montre d’une cruauté lucide mais jamais cynique. Un héros de notre temps est parmi les films de notre panel celui qui s’approche le plus de la comédie italienne des années 60, quand la critique sociale deviendra moteur. Alberto Sordi est au cœur du film, dans la peau de son personnage emblématique, Romain, flemmard, un peu lâche (voir notre chronique concernant cinq de ses films dans notre numéro précédent). Reste Un dimanche romain. Peut-être le plus dispensable du lot, encore qu’il nous donne à voir, à l’occasion d’un match de foot entre Rome et Naples, une Italie populaire et bouillonnante de façon presque documentaire. Ajoutons que les sept galettes bénéficient d’une présentation généreuse de l’un des meilleurs connaisseurs du cinéma italien, Jean Gili, dont il n’est pas difficile de boire les paroles. Ses présentations sont bourrées de détails et d’anecdotes. Il nous explique par exemple que le son n’était jamais direct pendant les tournages et qu’il n’était pas rare que les comédiens soient doublés par d’autres, même quand ils parlaient italien. Dans Un dimanche romain, par exemple, Renato Salvatori, dont le personnage est pourtant central, est doublé par… Nino Manfredi (sa voix est reconnaissable). Le hic est que Manfredi est également à l’affiche du film. Mais il est doublé par un autre…
Yves Alion
La Chance d’être femme / Femmes dangereuses / Les Surprises de l’amour / Pauvres mais beaux / Chronique des pauvres amants / Un héros de notre temps / Un dimanche romain
SNC / M6