Publié le 9 décembre, 2015 | par @avscci
0Actu DVD Novembre 2015 – Coffret Lumière !
On attendait ce coffret depuis des années. Hormis un DVD américain publié en 1999 et difficile à trouver, il était impossible de voir les films des frères Lumière dans de bonnes conditions et la question était régulièrement posée à l’Institut Lumière de Lyon. Pourquoi était-il si compliqué de regarder en face les images des origines ? Enfin, 2015 arriva, les 120 ans du cinématographe, et cette magnifique restauration en 4K de 114 des 1422 « vues » signées par les grands Lyonnais et leurs opérateurs géniaux. En présence des frères Coen, des frères Taviani et des frères Dardenne, Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier présentèrent ces 90 minutes simplement intitulées Lumière ! à Cannes en mai dernier. Et ils nous proposent aujourd’hui le trésor qu’on espérait.
La vision de ces images parfaites (et dont les restaurateurs affirment qu’elles étaient d’une telle qualité que leur travail fut moins compliqué que prévu) nous confirment que Louis et Auguste n’étaient pas les ingénieurs sans charme dont parlent certains. Ce qui prime pendant la vision de ces films de cinquante secondes chacun c’est en effet la certitude d’être face à des œuvres d’art impeccables. À Lascaux ou à Lyon-Monplaisir, l’Art est à son sommet au moment même de sa naissance. On peut l’expliquer par l’expérience de photographes de ces premiers opérateurs (Louis Lumière, Félix Mesguich, Alexandre Promio, Gabriel Veyre). Ils ont tous une science absolue du cadre. Ils savent exactement où poser la caméra, idée que développe brillamment Tavernier dans un des suppléments du DVD : « Raoul Walsh disait que les deux tiers de la mise en scène, ça consistait à savoir placer la caméra à la seule position où elle devrait être. »
Aventuriers parcourant le monde, de la Turquie au Japon, de l’Indochine à la Russie, des États-Unis à la place Bellecour, les opérateurs Lumière ont constitué un corpus déjà parfait, un modèle qu’aucun aspirant cinéaste ne peut ignorer. Tavernier et Frémaux insistent par exemple sur le film que tourna Gabriel Veyre en 1900 dans le village de Namo, dans l’Annam. C’est un travelling arrière tourné à partir d’une chaise à porteurs. Des enfants courent vers le cadreur et une petite fille merveilleuse devient en quelques secondes le centre même de l’image. Beauté stupéfiante de ces quelques instants. Comment ne pas comparer cette image de joie rayonnante avec la photo terrible prise par Nick Ut Cong Huynh en juin 1972 à Trang Bang où une autre petite fille court, brûlée par le napalm ? Le XXe siècle pourrait peut-être se résumer à ce film et à cette photo.
Les films peuvent être vus avec les excellents commentaires de Thierry Frémaux, qui mêlent le sens de l’histoire au regard artistique, et les morceaux choisis de Saint-Saëns, exact contemporain des inventeurs. Les suppléments sont remarquables. D’abord, le film que Paul Paviot conçut en 1953 avec Abel Gance, scrupuleuse reconstitution, avec des comédiens et la musique de Kosma, de l’aventure Lumière. Ensuite celui que Rohmer tourna en 1968 pour la télévision, et où les intervenants sont, en toute simplicité, Langlois et Renoir, tous deux géniaux et complices, mais avec des points de vue complètement différents sur le cinéma du commencement. Puis, un beau et surprenant court métrage de 1984 de Jozef Piwkowski, alors étudiant en cinéma à Lodz. S’y ajoutent les interventions précieuses de Frémaux et Tavernier et les « Nouvelles Sorties » des Usines Lumière, tournées par Tarantino, Schatzberg, Cimino, Almodóvar, Sorrentino et Dolan. Ne manque naturellement que la version tournée par Scorsese le 17 octobre 2015 lors de son passage à Lyon. Un petit livre de 44 pages, très clair, complète cette boîte à merveilles.
René Marx
Institut Lumière Coffret 2 DVD