Le Mélange des genres de Michel Leclerc
Depuis que nous avons découvert Michel Leclerc avec Le Nom des gens (en fait son second film), nous ne pouvons que louer sa volonté de se jeter tête la première dans les sujets les plus polémiques, ceux qui fâchent, pour aussitôt en désamorcer tous les pièges et attirer les rieurs de son côté. Il l’avait fait magistralement avec la question religieuse et l’immigration dans La Lutte des classes, il surfe cette fois-ci sans craindre de boire la tasse sur la vague #metoo, en plaçant au cœur de son récit une femme-flic infiltrée dans un groupe de militantes féministes dont les débordements posent problème aux autorités. Sur le point de se voir percer à jour, elle n’a pas d’autres solutions que de dénoncer comme agresseur sexuel un homme qui passait par là. C’est sur cet improbable assemblage qui relève un peu du théâtre de boulevard que le film se bâtit. Avec par moments quelques hésitations sur le ton employé et peut-être quelques assemblages étonnants, la légèreté de la forme semblant décalée par rapport à la pesanteur du fond. Mais le cinéaste n’a pas de raison de traiter cette nouvelle guerre des sexes autrement que par l’ironie et au final le film nous entraîne dans sa très joyeuse farandole où toutes et tous trouvent leur place sans que la rancœur persiste. C’est sans doute un poil optimiste mais la fantaisie débridée de Leclerc emporte tout sur son passage. Et ce mélange des genres (qui vaut autant pour la forme de son film que pour la question de l’identité sexuelle de ses personnages) s’inscrit avec évidence dans une œuvre définitivement décoiffée. Et décoiffante.
Yves Alion
Film français de Michel Leclerc (2025), avec Léa Drucker, Benjamin Lavernhe, Judith Chemla. 1h43.