Slocum et moi de Jean-François Laguionie

C’est à un voyage intime, intérieur et onirique, que nous convie Jean-François Laguionie avec l’histoire (inspirée de ses propres souvenirs d’enfance) de cette famille qui fait corps autour du projet un peu fou du père : construire un bateau dans son jardin. Revendiquant dès les premières minutes l’aspect mémoriel du récit, qui repose sur les souvenirs du fils – racontés en voix-off – et sur leur retranscription via le dessin, le film se permet une forme relativement libre, délivrée des carcans traditionnels de la narration, qui épouse les contours du récit oral et fragmenté. Il propose ainsi une chronique délicate et jamais passéiste, dans laquelle on retrouve les différents motifs qui parsèment son œuvre, de la place prégnante de la mer aux plaisirs de la robinsonnade, en passant par le goût de la liberté et de l’indépendance d’esprit. Le romanesque et le quotidien s’entremêlent ainsi dans cette atypique aventure familiale, ponctuée par des extraits du journal de bord du célèbre navigateur Joshua Slocum qu’admirent le père et le fils. Une complicité ténue naît alors, qui permet au jeune garçon non seulement de traverser l’enfance avec des rêves pleins la tête, mais aussi de se rapprocher de ce père mutique et distant avec lequel il se sent maladroit et emprunté. Jean-François Laguionie n’a pas son pareil pour croquer, dans une esthétique qui garde la patine du dessin traditionnel, la beauté des émotions partagées et d’une vie intérieure souvent plus riche et réjouissante que la réalité. Il nous embarque ainsi corps et âme dans ce périple minimaliste et sensible au cœur de l’amour filial.

Marie-Pauline Mollaret

Film d’animation français de Jean-François Laguionie (2024), avec les voix de Elias Hauter, Grégory Gadebois, Coraly Zahonero, André Marcon, Mathilde Lamusse. 1h15.