Critique

Publié le 22 janvier, 2025 | par @avscci

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Vol à haut risque de Mel Gibson

Mel Gibson est de ces cinéastes dont on s’inquiète de la santé mentale quand on voit leurs films. Ses réalisations les plus connues (Braveheart, La Passion du Christ et Apocalypto) étalaient une violence graphique où se devinait son inclinaison sadomasochiste. En racontant les dernières heures de Jésus à grand renfort de gore, il révélait une foi dominée par la contrition et l’expiation, évoquant ces dévots qui, chaque Vendredi saint, se flagellent ou se crucifient aux Philippines. Ses prises position publiques (catholicisme obscurantiste, républicanisme trumpien) et son attitude déviante (violences conjugales, alcoolisme, propos antisémites…) ont davantage éclairé sa personnalité pour le moins névrosée. Pourtant, les faits sont là : Braveheart est une œuvre à l’ampleur épique et lyrique, La Passion du Christ est un torture porn dont on ne peut rester indifférent et Apocalypto demeure l’un des films d’aventures les plus terrassant jamais produits à Hollywood. Mel Gibson est un réalisateur de talent, qu’on le veuille ou non. Mieux, ou pire, son habileté de metteur en scène semble se nicher dans sa folie. Ses névroses se sont souvent traduites de façon cinématographiquement forte, à travers des visions saisissantes de corps torturés, démembrés ou tués. Si sa vision du monde est repoussante, force est d’admettre qu’elle lui a inspiré des films impressionnants. C’est donc intrigués que nous attendions sa nouvelle création, dont l’argument est passé de mode. Soit une intrigue rappelant certains films d’action aériens désuets (Les Ailes de l’enfer, Red Eye, Flight Plan, Non-stop) où un tueur à gages s’invite dans un petit avion dans lequel une policière convoie un témoin gênant, s’apprêtant à intervenir dans le procès d’une organisation mafieuse. Le réalisateur allait-il transformer ce canevas digne d’un thriller pour vidéo clubs en une traversée haletante, zébrée de violence et de fulgurances, comme aurait pu le faire un metteur en scène inventif faisant ses gammes dans la série B ? Que nenni : Vol à haut risque ne se distingue en rien d’une production anonyme à faible budget. Il est impossible de retrouver un semblant de la singularité de Mel Gibson dans cette commande dont il s’exécute dans le plus parfait anonymat. La part trouble à la source de son talent disparaît ici au profit d’un travail dont il s’acquitte de façon totalement lisse et impersonnelle. Il n’endosse pas ici le costume de réalisateur à la manière d’un solide faiseur, mais d’un béni-oui-oui uniquement sur le plateau pour dire moteur, action et coupé. Les acteurs ont beau faire ce qu’ils peuvent, rien ne vient perturber ce thriller en pilotage automatique. Les rebondissements énormes s’y succèdent et les scènes d’action y sont expédiées avec des effets spéciaux bâclés. Tout cela semble d’un autre âge et ne suscite aucune nostalgie pour une forme surannée, comme avait pu le faire le Mayday de Jean-François Richet. C’est une nouvelle surprenante d’Hollywood : l’un de ses cinéastes plus névrotiques n’est devenu qu’un exécutant sans aucune singularité. Gageons que ce ne sera que le temps d’un film et que nous retrouverons sa folie créative prochainement. A priori, c’est bien parti, ses prochains projets semblant clairement lui correspondre : L’Arme fatale 5 et, surtout, une suite improbable de La Passion du Christ.

Tancrède Delvolvé

Film américain (2025) de Mel Gibson avec Mark Walberg, Michelle Dockery, Topher Grace. 91 minutes.




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