Critique

Publié le 16 octobre, 2024 | par @avscci

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Niki de Céline Sallette

Pour son premier film en tant que réalisatrice, Céline Sallette a choisi d’esquisser le portrait d’une rebelle qui s’est trompée d’époque : trop tard pour bénéficier de la liberté insouciante des surréalistes, mais aussi trop tôt pour surfer sur l’émergence du mouvement punk. Soucieuse de conserver sa liberté par rapport à son sujet, la cinéaste ne montre aucune des œuvres de Niki de Saint-Phalle. Le film nous place en fait dans l’antichambre d’une œuvre. En amour, on parlerait de préliminaires. Céline Sallette s’attache à ce moment mystérieux et fugace au cours duquel un individu se transfigure en créateur. Issue de l’aristocratie américaine, Niki Matthews a rompu avec son milieu d’origine en s’installant dans la France de la Reconstruction avec mari et enfant, sans réussir à oublier son enfance pervertie. Un rôle en or pour la Québécoise Charlotte Le Bon qui s’engouffre corps et âme dans cette faille. Comme s’il avait fallu une autre comédienne, derrière la caméra, pour saisir les démons qui sourdent derrière sa beauté éclatante, elle qui fut mannequin, réalisatrice de Falcon Lake et pratique la peinture et la sculpture. La cinéaste et son coscénariste Samuel Doux ont en outre le mérite de faire vivre une communauté artistique soudée dont l’existence reste pour l’essentiel oubliée, à l’instar du couple formé par Jean Tinguely et Eva Aeppli (Damien Bonnard et Judith Chemla) ou de Pierre Restany et Arman que campent respectivement Quentin Dolmaire et Hugo Brunswick avec une intensité corrosive qui supplante avantageusement la tentation du pittoresque à l’usage des profanes.

Jean-Philippe Guerand

Film français de Céline Sallette (2024), avec Charlotte Le Bon, John Robinson, Damien Bonnard, Judith Chemla 1h38.




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