Critique

Publié le 20 septembre, 2024 | par @avscci

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Ma vie ma gueule de Sophie Fillières

L’œuvre posthume de la regrettée Sophie Fillières, achevée par ses enfants après son décès, repose presque tout entière sur son personnage féminin principal, Bar berie Bichette, incarnée avec fulgurance par Agnès Jaoui, en alter ego de la réalisatrice. D’emblée, Ma vie, ma gueule est une comédie tragique, ou une errance mélancolique pleine d’humour, c’est au choix, qui dit la difficulté de vieillir, de trouver comment occuper le temps qu’il nous reste à vivre et d’affronter la perspective de notre propre fin. Un récit au rythme syncopé qui épouse les sautes d’humeur et les pas de côté de son héroïne, entre tonalité burlesque et spleen intersidéral. Au départ, on peut trouver la barque un peu chargée face à cette femme qui parle toute seule (verbalisant abondamment son mal-être), ne supporte plus de se voir dans les miroirs, et s’aperçoit que le monde n’a plus vraiment besoin d’elle. Puis, au fur et à mesure que se construit l’intrigue, à travers une multitude de situations décalées, de rencontres lunaires et de petits détails inattendus, mais aussi d’ellipses qui permettent de passer d’un registre à l’autre en un plan, l’émotion vient nous cueillir presque malgré nous. Elle monte ensuite crescendo tandis que Barberie se débat avec panache pour combler le vide existentiel qui l’étreint. Qu’elle trouve un apaisement inattendu, savoureux et poétique, mais surtout en forme de pied-de-nez, résume à lui seul la démarche d’une réalisatrice qui a l’élégance de nous faire rire pour nous éviter d’être trop désespérés.

Marie-Pauline Mollaret

Film français de Sophie Fillières (2024), avec Agnès Jaoui, Angélina Woreth, Édouard Sulpice, Philippe Katerine, Valérie Donzelli. 1h39.




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