Critique

Publié le 16 septembre, 2024 | par @avscci

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Dahomey de Mati Diop

Ours d’or à la Berlinale, Dahomey de Mati Diop évoque la restitution au Bénin de certains de ses trésors patrimoniaux dont s’était emparée la France du temps de la colonisation. C’est au terme de trois siècles d’existence que ce royaume fondé au XVIIe siècle par le roi Houegbadja et devenu une puissance régionale considérable protégée par une puissante armée constituée d’Amazones a été colonisé de 1895 à 1960. Au-delà de cet acte de réparation orchestré en grande pompe en novembre 2021, Dahomey s’attache à une démarche de reconstruction essentielle, à travers la restitution symbolique de vingt-six œuvres issues d’un patrimoine magnifié en leur temps par Alain Resnais, Chris Marker et Ghislain Cloquet dans leur court métrage Les statues meurent aussi (1953) tourné au Musée de l’Homme. La caméra (et les micros) de Mati Diop s’attache à ces œuvres parfois monumentales en s’attardant sur leurs formes et leur matière. Féministe engagée, la réalisatrice franco-sénégalaise couronnée du grand prix du Festival de Cannes 2019 pour Atlantique intègre dans son film des détails révélateurs quant à son engagement personnel, à commencer par l’usage controversé mais ô combien symbolique de l’écriture inclusive. Avec cette licence poétique audacieuse qui consiste à donner aux trésors une voix intérieure afin d’exprimer la douleur de la spoliation dans cette langue fongbé que pratiquent les Béninois. Dahomey apparaît ainsi comme un “conte gothique” (dixit Mati Diop) qui joue de toutes les composantes du cinématographique pour sublimer son propos symbolique, politique et même philosophique.

Jean-Philippe Guerand

Film documentaire bénino-franco-sénégalais de Mati Diop (2024), avec Gildas Adannou, Habib Ahandessi, Joséa Guedje 1h08.




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