Critique

Publié le 26 juillet, 2024 | par @avscci

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Gondola de Veit Helmer

Veit Helmer poursuit depuis ses débuts des chimères hors du commun. Comme s’il fabriquait des prototypes à l’usage de quelques amateurs de curiosités. On retrouve chez ce cinéaste allemand une singularité qui consiste à raconter des histoires sans paroles que leur absence de langage rend universelles, en supprimant d’entrée de jeu deux obstacles majeurs à l’exportation : le doublage et le sous-titrage. En contrepartie, la mise en scène s’appuie sur une rigueur formelle et une bande son qui accorde une place prépondérante aux bruitages et à la musique. Gondola se situe dans une Géorgie aux paysages de carte postale où deux jeunes hôtesses règnent sur un empire microscopique : des cabines de téléphérique d’où elles flirtent en brisant par leurs facéties une routine ponctuée d’allers et venues monotones. Révélé par Tuvalu (1999), Veit Helmer creuse un sillon qui en fait un héritier lointain de Pierre Étaix et Otar Iosseliani par son sens de la stylisation et un goût du burlesque qui frise souvent l’absurde. Ce n’est pas un hasard si l’un de ses films s’intitule… Absurdistan (2008). Il y a chez ces paysans qui vont au ciel et ceux qui lèvent les yeux au passage des cabines en faisant mine de s’émerveiller une sorte de communion puérile pour ce moyen de transport d’une très relative modernité que leurs hôtesses transforment au gré de leur imagination en avion, en bateau et en toutes sortes d’objets volants plus ou moins identifiés. Un ballet incessant empreint d’une ironie bienveillante et conditionné par la passion de ces dames qui est aussi une délicieuse invitation au rêve.

Jean-Philippe Guerand

Film germano-géorgien de Veit Helmer (2023), avec Mathilde Irrmann, Nino Soselio, Niara Chichinadze, Zviad Papuashvili. 1h23.




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