Critique

Publié le 7 avril, 2024 | par @avscci

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Agra, une famille indienne de Kanu Behl

Le nouveau film du cinéaste indien Kanu Behl sait lancer les hostilités. Une séquence d’ouverture qui transforme une scène de sexe en accouplement onirique avec un rat géant, démarre forcément sur de bonnes bases. La frustration sexuelle est de toute évidence le cœur du récit, et le moteur central des actions du personnage mis en avant, Guru. Ce dernier est, sous bien des aspects, le négatif du virilisme parfois délirant de la majeure partie des héros de Bollywood : un garçon complexé, obsédé, terrifié par la réalité des femmes. Le personnage du père, macho qui semble changer de compagne tous les vingt ans et écrase son fils, ou le reste de la famille, complète cette vision ordinaire d’une société indienne gangrenée par un patriarcat souvent agressif. La comédie satirique, souvent dure, que livre le cinéaste, change brusquement de ton lorsque Guru rencontre une femme, en chair et en os, et non un fantasme rêvé, comme à son habitude. La liaison qui se développe entre ceux deux êtres paumés est touchante, mais n’enlève pas vraiment la méchanceté du regard posé par l’auteur sur l’Inde moderne. Elle l’adoucit juste un peu en plaçant enfin le protagoniste dans un rapport au réel, lui qui semblait heureux de ne vivre que dans l’onirique. Les manœuvres immobilières qui se jouent ensuite, et le compromis trouvé par la cellule familiale reconstituée pour vivre ensemble est exactement cela : un compromis fragile, dont il est bien montré qu’il peut se briser à chaque instant. Mais, au moins, Behl imagine qu’une autre réalité est, fugacement, possible, au cœur de l’Inde contemporaine.

Pierre-Simon Gutman

Agra. Film indien de Kanu Behl (2023), avec Mohit Agrawal, Priyanka Bose, Rahul Roy. 1h48.




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