Making of de Cédric Kahn

C’est vraiment l’année Cédric Kahn ! Après le succès public et critique du Procès Goldman, voici donc quelques mois plus tard un Making of qui a priori n’entretient que peu de rapport avec son prédécesseur, si ce n’est son indéniable réussite. Mais Making of a été tourné avant… Comme son titre le laisse supposer, nous sommes ici en présence d’un film qui raconte un tournage. Comme tant d’autres, parmi lesquels bien sûr La Nuit américaine, Le Mépris ou La Petite Lili. Une façon de raconter la fièvre d’un tournage mais aussi ses galères que le grand public ne voit pas. Comme le film tire vers la comédie (sans s’y cantonner), les personnages sont tous un poil too much. Le réalisateur est dépressif, la star égocentrique, le producteur évanescent… Mais il est évident que l’on peut trouver pire dans la vraie vie… Making of est effectivement fort drôle, mais il ne fait heureusement pas l’économie de nous montrer la fièvre d’un tournage, quand la fiction devient plus prenante que la réalité et que beaucoup (mais pas tous) font passer l’aboutissement d’un projet avant toute autre considération. Mais le film propose une belle mise en abyme puisque le parallèle est tentant (et même aveuglant) entre les galères du film en train de se faire et son sujet, la déroute d’une usine que ses patrons vont fermer pour aller faire des sous ailleurs. Ce film dans le film ressemble comme un frère jumeau du magnifique En guerre, de Stéphane Brizé. Se profile ainsi une réflexion sur le pouvoir, sur la difficulté à la partager et sur la lâcheté (parfois) de ses détenteurs, réflexion aussi fructueuse pour ce qui est du sort de l’usine (plutôt dépressif en ces temps de désindustrialisation galopante) que de celui du film (dont on ne dira rien). Il va de soi que si ce Making of s’adresse bien évidemment aux amoureux du cinéma, il concerne tout autant ceux qui n’ont aucun plaisir à en visiter les coulisses. La morale de la fable est universelle.

Yves Alion

Film français de Cédric Kahn (2023), avec Denis Podalydès, Jonathan Cohen, Stefna Crepon, Souheila Yacoub, Emmanuelle Bercot. 1h54.