Anti-Squat de Nicolas Silhol

Dans la France de ce début de troisième millénaire, des agents immobiliers soucieux de protéger leurs biens avant de les mettre sur le marché y hébergent des sans-abris et des précaires dont la présence servira de protection contre des squatteurs éventuels susceptibles de porter atteinte à l’intégrité des lieux. Une mère célibataire devient malgré elle la complice de ces marchands de sommeil qui imposent aux occupants un règlement intérieur où tout est interdit. De la crise du logement qui rend les centres-villes hors de prix, Nicolas Silhol tire une fable cruelle qui entretient une confusion délibérée entre réalité et fiction, sinon science-fiction. Promulguée seulement en juin dernier par le Sénat et l’Assemblée nationale, la loi Anti-Squat inspire à Nicolas Silhol un film qui adopte le regard du personnage incarné par Louise Bourgoin dans le rôle d’une femme qui devient le bras armé d’un système dont elle a été elle-même victime. Anti-Squat est une fable cynique et désabusée. Une sorte de revival du classique de Francesco Rosi Main basse sur la ville (1963), où la crise du logement engendre une situation d’une pure absurdité. La meilleure idée du film consiste à se dérouler dans un cadre urbain déshumanisé qui évoque celui d’une citadelle assiégée. Le réalisateur creuse là un sillon qui affleurait déjà de son premier long métrage, Corporate (2017) consacré à l’horreur économique appliquée au management impitoyable d’une entreprise agro-alimentaire. Ce polar avec cause s’avère terrifiant sur ce qu’il dit de la déliquescence souterraine de notre société. À voir et à méditer…

Jean-Philippe Guerand

Film français de Nicolas Silhol (2023), avec Louise Bourgoin, Samy Belkessa, Sâm Mirhosseini, Kahina Lahoucine. 1h35.