Critique

Publié le 5 avril, 2023 | par @avscci

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Ailleurs si j’y suis de François Pirot

Un beau jour, comme ça, sans aucune raison, un bourgeois tranquille décide de prendre la clé des champs, en s’enfonçant dans la forêt qui borde sa propriété où son épouse resasse son mal de vivre. Contrairement à ce que son point de départ pourrait suggérer, Ailleurs si j’y suis relève moins du drame existentiel que du conte moral et s’autorise même quelques échappées dans le burlesque le plus débridé qui font dire au réalisateur que son film est “mélancomique”. Il s’en remet pour cela à celui par qui le scandale arrive, magistral Jérémie Rénier qui endosse tous les risques de son rôle avec une candeur protectrice, son épouse névrosée qu’incarne Suzanne Clément, toujours merveilleuse dans les emplois de foldingues, et le patron paternaliste campé par Jean-Luc Bideau dans la tonalité des personnages du jeune cinéma suisse qui le révélèrent il y a un demi-siècle, avec cette pointe de folie douce qu’il manifestait dans les comédies au vitriol de Patrick Schulmann. Le réalisateur belge François Pirot, qui a notamment coécrit trois films de son compatriote Joachim Lafosse et s’est adjoint ici les services d’Emmanuel Marre, lui-même coréalisateur de Rien à foutre, évite toutefois habilement la tentation de la solennité. Son film s’attache avant tout à l’humanité de cette faune soudainement contrainte de remettre en question non seulement son statut, mais aussi ses aspirations les plus enfouies. Sous la légèreté apparente, affleurent en effet ici quelques questions fondamentales que le film aborde sans jamais se prendre trop au sérieux ou verser dans l’arrogance ni la suffisance.

Jean-Philippe Guerand

Film belgo-luxembourgo-helvéto-français de François Pirot (2022), avec Jérémie Renier, Suzanne Clément, Jean-Luc Bideau. 1h43.




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