Les Petites Victoires de Mélanie Auffret

Il est des thématiques qu’on croit à tort d’un autre âge. Parmi celles-ci, l’illettrisme reste un fléau durable qui semble loin d’être éradiqué, y compris en France. Dans Les Petites Victoires, c’est Michel Blanc qui campe un campagnard dont l’existence et la vie sociale ont été gâchées par son incapacité à lire et à écrire en le coupant des autres. Ce paysan ronchon s’installe un beau jour dans la classe unique de son village afin d’essayer de rattraper le temps perdu. Un sujet qui peut paraître pittoresque mais qui reflète une réalité rarement évoquée et ses conséquences désastreuses. Appliquant le précepte qui affirme que les comédies les plus marquantes sont celles qui reflètent la société dans sa vérité du moment, Les Petites Victoires tire un profit optimum de son propos sans jamais chercher à donner de leçons inutiles. Michel Blanc expérimente ainsi cette expérience redoutable qui consiste pour un acteur à jouer face à des enfants, défi contre nature dont on se souvient combien il avait traumatisé en son temps W. C. Fields. Un exploit d’autant plus remarquable que l’inoubliable Monsieur Duss au célèbre planter de bâtons évoque sans doute aussi peu de souvenirs pour ces bambins que les Compagnons de la Chanson pour les fans de Bigflo et Oli. Les Petites Victoires décrit une France rurale abandonnée par les services publics où il devient de plus en plus difficile de grandir sereinement. Sous la comédie se tapit un discours social à contre-courant sur les ravages de la pensée unique et un pays à deux vitesses dont la plus lente frise parfois carrément le point mort.

Jean-Philippe Guerand

Film français de Mélanie Auffret (2022), avec Michel Blanc, Julia Piaton, Lionel Abelanski, Marie Bunel 1h30.