Simone, le Voyage du siècle d’Olivier Dahan

Huit ans qu’il n’avait pas donné signe de vie. Donnant le sentiment que la sortie un rien difficile de son Grace de Monaco, sur fond de bagarre avec Harvey Weinstein (qui avait alors pignon sur rue) l’avait quelque peu plombé. La vision de Simone, le Voyage du siècle vient nous rassurer. Le signataire de La Môme (et de bien d’autres films, moins médiatisés, mais tout aussi attachants) est réellement capable du meilleur. C’est peu dire que ce portrait de Simone Veil possède un souffle et une ampleur peu communs. Jonglant avec les différentes périodes de la vie de celle qui repose désormais au Panthéon, le cinéaste a bel et bien brossé un portrait qui nous permet de comprendre le ressort secret de cette femme qui n’a jamais renoncé et dont les épreuves les plus terribles ont dessiné la vie. Dont la déportation dans les camps nazis. La question de la représentation à l’écran de l’horreur des camps s’est donc une nouvelle fois posée, et Dahan n’a pas cherché à contourner l’obstacle. Il s’en tire remarquablement bien, sans donner dans l’esbroufe mais sans jamais rien perdre de l’humanité bafouée des déportés, parfait contrechamp de l’inhumanité systémique de leurs bourreaux. Mais les autres épisodes de cette vie hors norme valent également leur pesant d’émotion. Il nous revient en effet par la grâce du film les affrontements sans nuance entre celle qui portait la loi pour légaliser l’IVG et ses irréductibles adversaires, dont les arguments étaient souvent indignes, rarement articulés. Mais nous entrons également dans l’intimité de cette femme, qui nous touche sans doute plus que les images de la femme publique dont nous avons le souvenir. Et cela évidemment grâce au savoir-faire d’Olivier Dahan, mais aussi à l’engagement de Rebecca Marder et Elsa Zylberstein (qui incarnent le personnage à des âges différents) qui se sont visiblement lancées dans l’aventure sans filet… A l’instar de Marion Cotillard (superbe Piaf dans La Môme), il est probable que ce (double) rôle reste durablement comme un sommet de leur carrière.

Yves Alion

Film français d’Olivier Dahan (2022), avec Elsa Zylberstein, Rebecca Marder, Olivier Gourmet. 2h20.