Tout fout le camp de Sébastien Betbeder

Le nouveau long métrage du merveilleux Sébastien Betbeder a la faculté rare de nous faire nous sentir moins seuls, dans un monde dont il prouve qu’il n’est peut-être pas aussi hostile qu’on pourrait le croire. Reprenant les principaux éléments de son court métrage Jusqu’à l’os (2019), le réalisateur nous emmène sur les pas d’un journaliste de presse régionale dépressif qui fait la connaissance d’Usé, chanteur underground connu pour s’être présenté aux élections municipales de 2014 à Amiens. Tous deux s’engagent alors dans un road trip foutraque et existentiel dans une campagne picarde étrangement dépeuplée.

Le motif est évidemment classique, mais Sébastien Betbeder va si loin dans la bizarrerie lunaire qu’il transforme les figures imposées du genre en un récit singulier dans la parfaite continuité de son œuvre au ton si unique. Sur ces chemins de traverse cinématographiques, l’actualité ne manque pas de s’inviter (sous la forme notamment d’une bavure policière et d’un commerçant hanté par l’insécurité), livrant au passage quelques constats bien sentis sur notre société. Mais cet humour parfois noir n’empêche pas une formidable humanité d’affleurer : des personnages eux-mêmes (des marginaux traités avec un regard plein de tendresse), des situations (dont la cocasserie n’empêche jamais la bienveillance) et des dialogues, aussi percutants que loufoques. « J’aimerais que cette soirée ne finisse jamais » avoue l’un des protagonistes lors de la plus belle séquence du film. Et l’on se prend à espérer la même chose.

Marie-Pauline Mollaret

Film français de Sébastien Betbeder (2022), avec Thomas Scimeca, Nicolas ‘Usé’ Belvalette, Jonathan Capdevielle, Léonie Dahan-Lamort. 1h34.