Les Crimes du Futur de David Cronenberg

Il y a vingt ans, David Cronenberg proposait dans Spider, un Londres cafardeux, vide, aux intérieurs moisis, pour raconter une histoire à la fois sinistre, humaine, sordide et magique. Il y a huit ans, il réalisait son avant-dernier film, le très drôle (mais on oublie trop souvent l’humour de Cronenberg) Maps to the Stars. Aujourd’hui dans Les crimes du futur il tourne à Athènes, documentant la défiguration, l’autopsie d’une ville qui se remet difficilement des crises récentes. Et voilà pour la première autopsie. La science-fiction de Cronenberg invente un avenir aux technologies incertaines, sans lumière. On ne trouve pas trace de téléphone portable ou d’ordinateurs. L’avenir c’est le trafic du corps, c’est le lieu où le sexe est remplacé par la chirurgie. Il s’agit comme le dit le personnage interprété par Léa Seydoux de « cartographier le chaos », et cet oxymore est une façon de nommer l’Art, auquel prétendent les complices Seydoux-Mortensen. Le film est sombre, bavard, austère et répétitif. Mais ce qui rebutera une majorité du public, très probablement, touchera les quelques-uns qui y verront ce qu’un cinéaste né en 1943 peut nous dire de la douleur, de l’intérieur du corps, des aliments qui deviennent un problème. Dans ce film, on détruit les enfants quand ils ne mangent plus que du plastique, avant de découvrir, au sens du scalpel, ce que cachent leurs organes mutants. Et Mortensen s’agite sur un siège-nourrisseur technologico-physiologique, citant évidemment le fauteuil trop rationnel des Temps Modernes de Papy Chaplin. Il s’agit donc bien de savoir ce que nous allons pouvoir faire de nos corps. Et a part ça, qui est déjà beaucoup, Kristen Stewart est une grande actrice. Et Cronenberg est cruel, irrespectueux et grand cinéaste. René Marx

Crimes of the future. Film gréco-franco-canadien de David Cronenberg (2022), avec Viggo Mortensen, Léa Seydoux, Kristen Stewart, Scott Speedman. 1h47