Publié le 3 novembre, 2018 | par @avscci
0Fahrenheit 11/9 de Michael Moore
Après avoir triomphé à Cannes, son Fahrenheit 9/11 décrochant la Palme d’or il y a quatorze ans, Michael Moore a vu son étoile pâlir. Sans pour autant lâcher le morceau, continuant à se battre pour un monde moins cynique et mois corrompu. Ce Fahrenheit 11/9 nous prouve en tous cas que notre homme n’a rien perdu de son mordant. Destiné à sortir aux Etats-Unis avant les élections intermédiaires du 6 novembre, le film se présente comme un brulot anti-Trump aussi drôle qu’acerbe. Le problème étant que les spectateurs du film n’auraient de toute façon eu aucune velléité de soutenir les Républicains à cette élection. Ceci étant dit, se gausser de Trump n’étant pas un exercice bien difficile (le 45è président des Etats-Unis est une caricature ambulante de lui-même), le film dépasse largement ce premier propos. En attaquant les Démocrates mous du genou (visiblement Moore n’a pas voté Hillary Clinton lors des primaires), ou en dénonçant le curieux système électoral en cours chez nos amis yankees. Mais deux séquences majeures du film lui permettent d’exprimer une révolte où l’ironie se fige et laisse place à une colère magnifique. Quand il donne la parole aux lycéens de Parkland (en Floride), pleurant leurs camarades assassinés lors d’une énième tuerie de masse. On ne dira jamais assez l’admiration que nous vouons à la jeune Emma Gonzalez dont le discours plein de fougue est l’un des plus beaux jamais faits… Quand il retourne sur ses terres natales, à Flint (Michigan), en ce territoire de friches industrielles et de chômage (et qui a voté Trump) pour dénoncer l’inertie des autorités alors qu’il est prouvé que l’eau de la ville est gorgée de plomb. Il égratigne au passage Obama qui n’ayant pas bu le verre d’eau qui lui était tendu a écœuré nombre de ses électeurs (qui n’ont donc pas voté pour Clinton, provoquant le basculement du Michigan, et peut-être l’élection de Trump). La théorie du battement d’aile du papillon adapté aux élections… Quoi qu’il en soit si le film apparaît comme furieusement sincère (et sincèrement furieux), il ne se contente pas de ricaner ou de se lamenter. Il donne la parole à nombre de jeunes, de femmes, de citoyens issus des minorités qui nous remontent le moral et que Moore présente comme étant le futur de l’Amérique. On ne sait si c’est un vœu pieu ou une prophétie, mais on ne pourra nier que ce film est gorgé d’une générosité qui nous gonfle le cœur. C’est vrai que Michel Moore est un brin agaçant, qu’il se met volontiers en valeur, que ses raisonnements sont parfois un rien simplistes, mais notre homme demeure un poil à gratter qui semble plus que jamais nécessaire. Reste que le cinéma n’a pas tous les pouvoirs. Fahrenheit 9/11 n’avait en son temps, malgré son mordant et son impact international, pas empêché la réélection de Bush le petit…
Yves Alion
Film documentaire américain de Michael Moore (2018). 2h08. Sortie en e-cinéma.
Critique en partenariat avec l’ESRA.