Publié le 13 décembre, 2018 | par @avscci
0Actu dvd décembre 2018 – Neuf westerns dont Pancho Villa de Buzz Kulik
Les livraisons de Sidonis, qui depuis des années nous régale en westerns, sont sans doute inégales, certaines séries B virant parfois à la série Z. Force est donc de reconnaître que nous sommes particulièrement gâtés ce mois-ci, tant le niveau est élevé. Nous allons tenter de procéder de façon chronologique.
Ce qui nous permet de commencer en fanfare par Le Brigand bien-aimé, réalisé par Henry King en 1939. Soit l’une des plus belles variations que le cinéma nous ait offertes sur l’histoire des frères Jesse et Frank James (à qui Henry Fonda et Tyrone Power prêtent ici leurs traits). C’est le premier western en Technicolor (quelques mois plus tard Sur la piste des Mohawks, de Ford, débarquera à son tour) et la splendeur visuelle du film ne se goûte en aucun cas au détriment du scénario, des plus solides. On sent que King aime une Amérique éternelle, une Amérique des petites gens, que les frères James défendent avec plus ou moins de conviction. Même si avec le recul du temps et après avoir lu quelques historiens un peu objectifs, nous sommes sans doute un peu plus circonspects sur la générosité de Jesse et Frank. Le film les idéalise sans rechigner, mais enfin, comme chacun sait, il n’est pas condamnable d’imprimer la légende quand celle-ci est plus belle que la réalité…
C’est en cette même année 1939 que George Marshall signe Femme ou Démon. Dans un premier temps le film déconcerte un peu, nous sommes manifestement ici au royaume de la comédie. Et la maladresse du personnage interprété par James Stewart ramène presque à une certaine tradition de la screwball comedy alors en vogue à Hollywood, avec quelques accents qu’un Capra n’aurait pas renié. Mais le film virevolte dans plusieurs directions, ajoutant une touche de glamour quand Marlene Dietrich apparaît. Et finit par nous cueillir quand l’épilogue se voile de noir.
Natchez (Henry Levin, 1954), jadis exploité sous un titre plus explicite (La Sirène de Baton Rouge) ne manque pas non plus de glamour. Et c’est la troublante Debra Paget qui cette fois-ci s’y colle. Celle qui sera quelques années plus tard la sensuelle danseuse du Tigre du Bengale et du Tombeau hindou de Lang est amoureuse du héros, venu se venger de ceux qui ont tué son père. Sans vouloir chipoter, notons que l’on peut difficilement parler de western concernant le film… Nous sommes en Louisiane à l’époque des bateaux à aube et la mythologie de l’Ouest brille par son absence. Nous est proposée en revanche une histoire de vengeance que n’aurait pas renié le comte de Monte-Cristo. C’est sympathique, pas inoubliable…
Restons dans les années 1950, avec deux films de Budd Boetticher, dont on sait l’attachement pour le western. Le premier, À feu et à sang (1952) est assez épatant, qui met en scène Audie Murphy, toujours aussi poupin, dans le rôle de Bill Doolin, un outlaw qui a frayé quelques temps avec les fameux frères Dalton. Le film s’intéresse d’abord à lui, qui n’a rien d’un saint mais que le hasard et l’acrimonie de certains malmènent salement (l’ambiguïté du personnage est évidemment à mettre au crédit du film), avant de mettre en scène le désastreux braquage de deux banques à Coffeyville, où trois des frères vont laisser la vie. Le film est vif, joliment mis en scène, c’est sans doute l’un des meilleurs de son auteur.
Ce que n’est pas L’Expédition de Fort King, réalisé l’année suivante. Cet « eastern » ne manque pas d’ambition, qui défend la cause des indiens séminoles (une tribu de Floride) et confronte Rock Hudson (un officier de cavalerie qui s’oppose à ses supérieurs, butés et racistes) à Anthony Quinn (un chef indien), les deux hommes convoitant par ailleurs la même femme. Mais si les intentions sont louables, le film reste un peu schématique et les personnages peinent à sortir des clichés dans lesquels ils ont été plongés. Quitte à s’intéresser aux Séminoles, autant revoir Les Aventures du Capitaine Wyatt, de Walsh.
On passe manifestement au niveau supérieur avec Winchester 73 (Anthony Mann, 1950). Une sombre histoire de vengeance axée sur l’arme à laquelle le film doit son titre et qui synthétise un certain nombre de thèmes westerniens. C’est le premier des westerns de Mann avec James Stewart, qui deviendra bientôt le porte-parole de son meilleur cinéma. Suivront Les Affameurs, L’Appât, L’Homme de la plaine et Je suis un aventurier. Soit cinq films qui comptent parmi les grands classiques d’un genre alors à son apogée… L’Appât devrait bientôt faire l’objet d’un numéro de LAvant-Scène Cinéma. Nous y reviendrons…
La critique est généralement plus sévère avec Ceux de Cordura, réalisé par Robert Rossen en 1959. Certes le signataire de L’Arnaqueur n’est pas un spécialiste du genre. Mais ce western intimiste (peu de scènes d’action) nous offre de voir Gary Cooper alors au crépuscule de sa carrière (et de sa vie) en compagnie de Rita Hayworth (qui ne brille plus non plus des feux de Gilda). Le scénario ne cherche pas à aligner les scènes à faire mais laisse le film avancer à son pas, qui ne manque pas de nous séduire.
Pancho Villa (Buzz Kulik, 1968) a en commun avec le précédent de s’intéresser à la Révolution mexicaine, en brossant cette fois-ci le portrait de l’un de ses plus célèbres protagonistes. Il y aurait sans doute pas mal à redire de ce western qui n’en est pas vraiment un (nous naviguons davantage entre le film de guerre et la fresque historique) que Sam Peckinpah devait réaliser avant de jeter l’éponge et qui manifestement lorgne en partie du côté des outrances baroques du western spaghetti. Il y aurait également pas mal à redire de certains raccourcis historiques et de la façon dont Villa est héroïsé. Il est vrai qu’il n’était pas possible de rendre compte de tous les retournements de l’Histoire, celle-ci étant particulièrement ciselée. Reste que le film est mieux que plaisant. Les scènes entre Villa (Yul Brynner avec des cheveux), son plus fidèle lieutenant (Charles Bronson, en guérillero sanguinaire et chafouin est génial) et un aviateur américain tenu de les soutenir (Robert Mitchum) sont souvent aux petits oignons. Et certaines scènes de bataille (l’attaque du train blindé, l’assaut des fortifications) valent vraiment le déplacement. Du grand spectacle.
Barquero (Gordon Douglas, 1970) va sans doute plus loin encore en direction du western spaghetti. Ne serait-ce par la présence de Lee Van Cleef (la « brute » de Leone). Le film nous propose un presque huis clos en un lieu traversé par une rivière. Des bandits (avec butin) cherchant à franchir la rivière quand ceux qui d’ordinaire facilitent la traversée se sont mis en tête de les en empêcher. Le scénario n’est sans doute pas très épais, mais nous marchons et l’atmosphère des plus délétères est parfaitement mise en place par une mise en scène à l’estomac… À noter que l’adversaire de Lee Van Cleef est Warren Oates, acteur fétiche de Peckinpah. Comme les symboles d’un affrontement entre deux conceptions (pas si éloignées au fond) d’un western qui brille de ses derniers feux.
Yves Alion
L’Expédition de Fort King / À feu et à sang / Pancho Villa / Femme ou Démon / Le Brigand bien-aimé / Barquero / Ceux de Cordura / Winchester 73 / Natchez Sidonis